Utilisation d'informations couvertes par le secret professionnel en fiscalité : quelles conséquences ?
- Le Bouard Avocats
- il y a 24 heures
- 3 min de lecture
Quelles sont les conséquences fiscales précises d'une violation du secret professionnel par l'administration ?
En cas de violation du secret professionnel avocat-client par l’administration fiscale, les conséquences précises sont les suivantes :
Irrégularité procédurale entraînant potentiellement l'annulation des impositions concernées si celles-ci reposent exclusivement sur les échanges confidentiels avocat-client.
Exigence d’une analyse approfondie : la simple prise de connaissance par l'administration d'une correspondance protégée ne suffit pas pour invalider automatiquement la procédure fiscale.
Obligation pour l’administration de justifier la légalité des sources utilisées pour fonder son redressement en cas de contestation devant le juge administratif.

Le secret professionnel constitue un fondement essentiel de la relation avocat-client. Sa violation, notamment par l’administration fiscale, peut avoir des conséquences significatives sur la procédure d’imposition.
La jurisprudence récente du Conseil d’État du 28 février 2025 (CE, 28-2-2025, n° 486336) apporte des précisions importantes sur les conséquences de l’utilisation par l’administration fiscale d’informations protégées par ce secret lors d'une vérification de comptabilité. Cet article fait le point de façon claire et détaillée sur cette problématique sensible.
Secret professionnel avocat-client : rappel du cadre juridique
La protection du secret professionnel entre l’avocat et son client repose principalement sur l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, qui dispose que :
« En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat […] sont couvertes par le secret professionnel ».
Ce texte garantit une confidentialité stricte des échanges, sauf en cas d'accord exprès du client pour lever ce secret.
Conséquences en matière fiscale : position du Conseil d’État
Protection absolue des correspondances confidentielles
Le Conseil d’État précise fermement dans son arrêt récent qu’à défaut d’accord préalable du contribuable, l’administration fiscale ne peut pas légalement utiliser les correspondances échangées entre celui-ci et son avocat, ni pour fonder une imposition, ni pour appliquer une majoration pour fraude fiscale (article 1729 du CGI).
Cette position s'inscrit dans la lignée d’un arrêt antérieur (CE, 12 décembre 2018, n°414088) qui affirmait déjà qu'une telle violation entachait d’irrégularité la procédure de vérification fiscale.
Une irrégularité qui n’entraîne pas systématiquement l’annulation
Cependant, la jurisprudence du 28 février 2025 apporte une nuance cruciale :
La décharge ou réduction de l'imposition ne sera prononcée que si cette imposition repose exclusivement ou partiellement sur des informations couvertes par le secret professionnel.
Si l’administration fiscale dispose par ailleurs d’autres sources d’information légales (telles que des échanges internationaux via des accords fiscaux bilatéraux), la procédure demeure régulière.
Le Conseil d'État refuse ainsi une approche automatique des conséquences liées à une violation du secret professionnel.
Affaire Artmes-Smartech : une clarification exemplaire
Rappel des faits de l'affaire
Dans l’affaire opposant la société Artmes (aux droits de Smartech) à l’administration fiscale, la cour administrative d’appel de Versailles avait initialement considéré que l’utilisation d’une correspondance confidentielle transmise sans consentement suffisait à entraîner automatiquement la décharge des impositions contestées.
Erreur de droit identifiée par le Conseil d’État
Le Conseil d’État a cependant relevé une erreur juridique fondamentale dans cette analyse, précisant que :
La cour aurait dû vérifier précisément si les impositions litigieuses étaient exclusivement fondées sur cette correspondance confidentielle.
Le simple fait que l’administration ait pris connaissance ou fait référence à ces correspondances ne suffit pas, à lui seul, à invalider totalement la procédure fiscale.
Cette précision jurisprudentielle exige désormais une analyse approfondie des sources utilisées par l’administration pour motiver ses rectifications fiscales.
Recommandations pratiques aux contribuables et avocats
Face à cette évolution jurisprudentielle majeure, voici des conseils pratiques pour mieux protéger vos droits lors d’un contrôle fiscal :
Pour les contribuables
Soyez attentifs à la provenance des informations invoquées par l’administration fiscale.
En cas de doute ou d’utilisation de correspondances avec votre avocat, réagissez immédiatement en soulevant explicitement cette irrégularité.
Pour les avocats
Informez systématiquement vos clients sur les conditions de levée du secret professionnel.
Vérifiez que l’administration n’utilise pas de correspondances confidentielles sans consentement préalable explicite de votre client.
Actions à entreprendre en cas de litige
En cas de violation présumée du secret professionnel :
Exigez immédiatement une clarification sur l’origine des informations utilisées.
Introduisez sans tarder un recours devant le tribunal administratif en invoquant précisément l’irrégularité liée au secret professionnel.
Cette décision du Conseil d’État du 28 février 2025 constitue un rappel précieux de la nécessité d’une vigilance constante concernant les droits protégés par le secret professionnel. Elle impose aux contribuables comme aux professionnels du droit une prudence renforcée dans leurs échanges avec l’administration fiscale.
Face à la complexité de ces problématiques, n’hésitez pas à solliciter rapidement un avocat spécialisé en droit fiscal pour vous accompagner efficacement lors d’une vérification de comptabilité ou d’une procédure de contestation fiscale.