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L’indemnité de rupture de l’agent commercial : principes et limites

Photo du rédacteur: Le Bouard AvocatsLe Bouard Avocats

Ce qu’il faut retenir sur l’indemnité compensatrice de l’agent commercial


🔹 Un droit automatique en cas de rupture du contrat par le mandant : L’article L. 134-12 du code de commerce garantit à l’agent commercial une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. Son montant est généralement évalué sur la base des commissions perdues et ne peut être réduit en raison de la signature d’un nouveau contrat après la rupture.


🔹 Des motifs limités pour refuser ou réduire l’indemnité : L’indemnité compensatrice peut être exclue uniquement en cas de faute grave de l’agent, de rupture à son initiative ou si le contrat a été cédé à un tiers avec l’accord du mandant. En revanche, l’absence d’une clause de non-concurrence ou la reprise d’une activité similaire ne peuvent être invoquées pour en limiter le montant.


🔹 Un calcul basé sur les usages et les revenus passés : Les juridictions prennent en compte la durée du contrat, les commissions perçues et les usages de la profession pour fixer l’indemnité. Celle-ci représente souvent l’équivalent de deux ans de commissions. Toutefois, si l’agent n’a jamais généré de commissions significatives, l’indemnité peut être réduite ou supprimée.




indemnité agent commercial



L’agent commercial occupe une place centrale dans l’activité de nombreuses entreprises. Il est chargé de prospecter et de développer une clientèle pour le compte de son mandant, ce qui implique souvent des années d’efforts et un investissement personnel important.


Afin de garantir une certaine protection économique à l’agent en cas de rupture du contrat, le législateur a prévu un droit à une indemnité compensatrice, consacrée par l’article L. 134-12 du code de commerce.


Toutefois, l’évaluation de cette indemnité donne lieu à de nombreux contentieux. Les mandants cherchent parfois à la réduire en invoquant des circonstances postérieures à la rupture, telles que la signature d’un nouveau contrat par l’agent ou l’absence d’une clause de non-concurrence.


Or, dans un arrêt récent du 29 janvier 2025, la Cour de cassation a rappelé avec fermeté que ces éléments ne pouvaient en aucun cas justifier une réduction de l’indemnité due.

Cet article revient sur les règles encadrant l’indemnisation de l’agent commercial, les critères d’évaluation retenus par la jurisprudence ainsi que les exceptions permettant d’exclure ce droit à réparation.


L’indemnité compensatrice : un droit fondamental pour l’agent commercial


Un droit reconnu par la loi


Le principe de l’indemnisation de l’agent commercial en cas de rupture unilatérale du contrat par le mandant est consacré par l’article L. 134-12 du code de commerce. Ce texte prévoit que l’agent a droit à une indemnité compensatrice pour le préjudice subi du fait de la cessation de ses relations avec son mandant.


Ce droit vise à réparer la perte des commissions futures, résultant de l’impossibilité pour l’agent de continuer à exploiter la clientèle qu’il a développée. L’indemnité permet ainsi de compenser la perte de valeur patrimoniale du portefeuille de clients, souvent constitué au prix d’un travail de longue haleine.


Un calcul encadré par la jurisprudence


Contrairement aux indemnités de rupture prévues pour d’autres statuts professionnels, le code de commerce ne fixe pas de méthode précise de calcul. Les juridictions se réfèrent donc aux usages et à la pratique pour en déterminer le montant.


Les critères généralement retenus sont les suivants :


  • La durée du contrat : une relation longue justifie généralement une indemnisation plus élevée.

  • Le montant des commissions perçues par l’agent pendant l’exécution du contrat.

  • Les usages de la profession : la jurisprudence fixe couramment l’indemnité à l’équivalent de deux années de commissions brutes.


Toutefois, dans certains cas, les juges peuvent ajuster à la baisse l’indemnité lorsque le contrat n’a jamais généré de commissions significatives.

Les tentatives des mandants pour réduire l’indemnité compensatrice


La prise en compte des circonstances postérieures à la rupture


Certains mandants tentent de minorer le montant de l’indemnité en avançant que l’agent commercial a rapidement retrouvé un nouvel emploi ou signé un autre contrat d’agence commerciale après la rupture.


Dans l’affaire jugée par la Cour de cassation le 29 janvier 2025, la cour d’appel avait réduit l’indemnité de l’agent au motif que :


  • Il n’était pas soumis à une clause de non-concurrence, ce qui lui permettait de reprendre immédiatement une activité.

  • Il avait retrouvé un mandant dans le même secteur presque aussitôt après la rupture.

  • Il ne justifiait pas des nouvelles commissions perçues depuis son nouveau contrat.


La Cour de cassation a censuré cette décision, affirmant que ces éléments sont sans incidence sur l’évaluation du préjudice subi par l’agent. L’indemnité doit être calculée en fonction des revenus perdus suite à la rupture du contrat initial, sans tenir compte des revenus perçus ultérieurement.


L’absence de clause de non-concurrence


Certains mandants soutiennent également que l’absence de clause de non-concurrence dans le contrat devrait limiter l’indemnisation de l’agent. Pourtant, la jurisprudence a déjà écarté cet argument à plusieurs reprises.


L’indemnité compensatrice vise à réparer la perte de la clientèle et non à compenser une impossibilité d’exercer dans le même secteur. Le fait qu’un agent puisse immédiatement retravailler ne réduit pas la valeur patrimoniale de la clientèle perdue, et donc le droit à indemnisation.


Les cas où l’indemnité compensatrice n’est pas due


Les exceptions légales prévues par le code de commerce


L’article L. 134-13 du code de commerce prévoit trois cas dans lesquels l’agent commercial ne peut prétendre à une indemnité compensatrice :


  1. Faute grave de l’agent commercial :

    • Si l’agent commet une faute d’une gravité suffisante pour justifier une rupture immédiate du contrat, il perd son droit à indemnisation.

    • Exemples : détournement de clientèle, violation d’une clause contractuelle essentielle, manquement à l’obligation de loyauté.

  2. Rupture du contrat à l’initiative de l’agent :

    • L’agent qui prend l’initiative de la rupture ne peut pas prétendre à une indemnité, sauf exceptions (maladie, départ à la retraite, circonstances imputables au mandant).

  3. Cession du contrat à un tiers :

    • Si l’agent cède son contrat avec l’accord du mandant, il ne subit pas de préjudice et ne peut donc réclamer d’indemnité compensatrice.


L’absence de commissions perçues


Dans certains cas, les juges peuvent écarter l’indemnisation lorsque l’agent commercial n’a jamais perçu de commissions significatives au cours de l’exécution du contrat. Cette situation peut se produire lorsque le contrat n’a pas été exécuté dans des conditions normales ou que le mandant a entravé l’activité de l’agent.


Conclusion


L’indemnité compensatrice prévue par l’article L. 134-12 du code de commerce constitue une garantie essentielle pour l’agent commercial en cas de rupture unilatérale du contrat par le mandant. Son principe repose sur la réparation du préjudice subi du fait de la perte de la clientèle développée pour le compte du mandant.


Toutefois, si le droit à indemnisation est largement reconnu, son évaluation reste source de nombreux contentieux. La jurisprudence a précisé que l’indemnité doit être calculée en fonction des revenus perdus, indépendamment des circonstances postérieures à la rupture, comme l’a récemment rappelé la Cour de cassation dans son arrêt du 29 janvier 2025.


Le fait que l’agent retrouve rapidement un autre mandant ou qu’il ne soit pas soumis à une clause de non-concurrence ne peut en aucun cas justifier une réduction de l’indemnité.


Il existe néanmoins des exceptions légales à l’octroi de l’indemnité, notamment en cas de faute grave de l’agent, de rupture à son initiative, ou lorsque le contrat a été cédé à un tiers avec l’accord du mandant. Par ailleurs, si l’agent commercial n’a jamais perçu de commissions significatives, l’indemnité peut être réduite, voire supprimée.


Dans un contexte où les enjeux financiers peuvent être conséquents, tant pour l’agent commercial que pour le mandant, il est primordial de sécuriser la rédaction du contrat dès son origine et d’anticiper les conditions de sa rupture. En cas de litige, le recours à un avocat en droit commercial sur Versailles permet d’assurer la défense efficace des intérêts des parties et d’éviter les écueils liés à l’interprétation jurisprudentielle de l’indemnité compensatrice.

 
 
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