Points clés à retenir
Pouvoir d'ajournement : Le gérant peut ajourner une assemblée sans nécessité de motiver sa décision.
Obligations des associés : Ils doivent respecter les décisions d'ajournement sous peine de nullité des décisions prises.
Présidence de l'assemblée : Doit être assurée par le gérant selon les statuts et la loi.
Sécurité juridique : Le respect des formalités légales garantit la validité des décisions sociales.
L'organisation des assemblées générales au sein des sociétés à responsabilité limitée (SARL) est un enjeu crucial pour la gouvernance d'entreprise. Une récente décision de la Cour d'appel de Paris du 12 septembre 2024 (Cour d'Appel de Paris 12-9-2024 n° 22/02179) apporte un éclairage significatif sur les conséquences juridiques de la tenue d'une assemblée malgré son ajournement par le gérant.
Cette affaire illustre les risques encourus lorsque les procédures légales ne sont pas scrupuleusement respectées.
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Les faits de l'affaire
Un conflit a surgi entre les deux associés d'une SARL. L'associé majoritaire, détenant 95 % du capital social, a demandé au gérant, également associé minoritaire, de convoquer une assemblée générale pour examiner la situation de la société et sa gestion. Le gérant a donc convoqué l'assemblée pour le 31 mars 2021.
Cependant, en raison de la crise sanitaire, le gérant a décidé d'ajourner l'assemblée générale. Il a informé l'associé majoritaire de cette décision par une lettre recommandée envoyée le 29 mars 2021 au soir. L'associé majoritaire, prétendant ne pas avoir reçu cette lettre à temps, a maintenu l'assemblée à la date initiale. Lors de cette réunion, il a décidé de révoquer le gérant de ses fonctions.
Le jugement de première instance
Le gérant, estimant que l'assemblée tenue était irrégulière, a saisi le tribunal pour en demander l'annulation. Le tribunal a rejeté sa demande, considérant que le gérant avait abusé de ses pouvoirs en ajournant l'assemblée. Il a souligné que l'ordonnance du 25 mars 2020 permettait la tenue des assemblées à distance pendant la crise sanitaire, rendant l'ajournement injustifié.
La décision de la Cour d'appel de Paris sur l'assemblée générale
L'ajournement, un droit du gérant
La Cour d'appel de Paris a infirmé le jugement de première instance. Elle a rappelé que le gérant, en sa qualité d'auteur de la convocation, dispose du droit d'ajourner une assemblée générale.
Ce droit n'est soumis à aucune condition de délai ou de motivation particulière. L'article L. 223-27 du Code de commerce n'impose pas de formalités spécifiques pour l'ajournement, hormis l'obligation d'en informer les associés par les mêmes moyens que ceux utilisés pour la convocation initiale.
L'irrégularité de l'assemblée tenue
En maintenant l'assemblée malgré l'ajournement décidé par le gérant, l'associé majoritaire a contrevenu aux règles légales. La lettre d'ajournement avait été présentée à son domicile avant l'heure prévue pour l'assemblée, même s'il ne l'a pas réceptionnée.
De plus, l'assemblée a été présidée par l'associé majoritaire lui-même, en violation des statuts de la société qui stipulent que le gérant préside les assemblées (Article R. 223-23 du Code de commerce).
L'annulation de l'assemblée
La Cour a donc conclu à l'irrégularité de l'assemblée du 31 mars 2021. En vertu de l'article L. 223-27 du Code de commerce, une assemblée tenue malgré son ajournement encourt la nullité, à moins que tous les associés soient présents ou représentés, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.
Analyse juridique du pouvoir d'ajournement d'une assemblée générale
Le pouvoir d'ajournement du gérant
Le gérant, en tant qu'organe exécutif de la société, a la faculté d'ajourner une assemblée générale. Cette prérogative est reconnue par la jurisprudence et s'inscrit dans le cadre de ses fonctions de direction. Il n'est pas nécessaire qu'il motive sa décision ou qu'il respecte un délai particulier pour notifier l'ajournement.
Les obligations des associés
Les associés doivent respecter les décisions d'ajournement prises conformément aux règles légales. Passer outre un ajournement sans que tous les associés soient présents ou représentés constitue une violation des dispositions légales et statutaires, entraînant la nullité des décisions prises lors de l'assemblée irrégulière.
La présidence de l'assemblée
Selon l'article R. 223-23 du Code de commerce, l'assemblée générale d'une SARL est présidée par le gérant. En l'absence du gérant, les associés présents peuvent élire un président de séance parmi eux. Toutefois, cette disposition ne s'applique que si le gérant est absent ou empêché, ce qui n'était pas le cas dans cette affaire.
Conséquences pratiques de l'ajournement d'une assemblée générale
Respect des formalités légales
Cette décision rappelle l'importance de respecter scrupuleusement les formalités légales dans la tenue des assemblées générales. Les associés majoritaires ne peuvent pas ignorer les décisions d'ajournement prises par le gérant.
Importance des statuts
Les statuts de la société jouent un rôle crucial dans la gouvernance interne. Ils doivent être respectés par tous les associés. Toute violation peut entraîner des sanctions juridiques, y compris l'annulation des décisions prises.
Sécurité juridique
Pour assurer la sécurité juridique des décisions sociales, il est essentiel que les organes de la société et les associés agissent en conformité avec les dispositions légales et statutaires. Cela évite les litiges et assure la stabilité de la gouvernance d'entreprise.
Rappel des textes légaux
Article L. 223-27 du Code de commerce : prévoit que les décisions collectives sont prises en assemblée générale. Les décisions prises en violation des dispositions légales ou statutaires sont susceptibles de nullité.
Article R. 223-23 du Code de commerce : stipule que l'assemblée est présidée par le gérant ou, en son absence, par un associé désigné par les autres associés.
Cas similaires dans la jurisprudence
Précédents jurisprudentiels
Tribunal de commerce de la Seine, 16 octobre 1901 : annulation d'une assemblée tenue par des actionnaires alors qu'elle avait été ajournée sans nouvelle date de réunion.
Cour d'appel de Bordeaux, 10 janvier 2023 : annulation d'une assemblée générale tenue en violation d'une ordonnance de référé l'ayant ajournée.
Conclusion
La décision de la Cour d'appel de Paris du 12 septembre 2024 souligne l'importance du respect des procédures légales dans la tenue des assemblées générales. Le gérant, en tant qu'auteur de la convocation, a le droit d'ajourner une assemblée, et les associés ne peuvent passer outre cette décision sans risquer la nullité des résolutions prises.
Cette affaire rappelle aux acteurs de la vie des sociétés l'importance de la rigueur juridique pour assurer une gouvernance efficace et éviter les litiges.